Il frémissait, commençait à se réveiller depuis plusieurs mois. Cette fois c'est sûr, le marché immobilier est reparti. Et pas seulement à Paris, mais aussi dans la plupart des grandes villes. Le temps de la réflexion et des atermoiements est passé pour les acquéreurs. Ceux qui, en raison de la morosité économique, avaient reporté un projet d'acquisition en espérant une future baisse des prix sont passés à l'acte, ou y songent.
Et ils ne sont pas les seuls. Le très faible niveau atteint par les taux d'intérêt – que personne n'avait imaginé – crée des opportunités. Les ménages sont bien décidés à saisir la fenêtre de tir qui s'offre à eux. « Aujourd'hui, pour ceux qui veulent s'agrandir, le coût est très faible grâce à la baisse des taux de crédit. On est en bas de cycle et beaucoup se disent que, s'ils ne le font pas maintenant, ils ne le feront jamais », explique Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France & Monaco.
En cinq ans, les ménages ont gagné plus de 23 % de pouvoir d'achat. « La baisse des taux a un double effet. D'abord elle solvabilise ou ressolvabilise les acquéreurs. Ensuite, elle réduit les rendements de l'assurance-vie, ce qui va pousser des épargnants vers l'immobilier locatif. Certains sortent 20?000 € de leur assurance-vie et investissent dans la pierre, profitant de l'effet de levier du crédit », note Stéphane Theuriau, président du directoire de Cogedim. Primo-accédants, secondo-accédants, investisseurs, tous veulent être de la fête et profiter de l'aubaine qui consiste à pouvoir s'endetter à 1,5 ou 2 % sur 15 ou 20 ans.Sur douze mois (à fin juin), ce sont 830 000 transactions qui ont été enregistrées par les notaires. Un retour aux années fastes. « C'est la première fois en cinq ans que les particuliers pensent que c'est le moment d'acheter. Cette fois, ce ne sont pas les professionnels qui le disent, ce sont les particuliers qui en sont convaincus », constate Sébastien de Lafond, président de Meilleurs Agents.
Pour l'instant, ce nouvel appétit des Français pour la pierre ne se traduit pas par des hausses de prix significatives. Certes, les notaires estiment qu'il y a eu une hausse des prix de 2,6 % en un an à Paris, mais pas de réel signe d'emballement, et la progression des prix en France n'est que de 0,7 % sur un an. Les acheteurs ne sont pas prêts à acheter n'importe quoi à n'importe quel prix, même si certains biens se vendent au prix du mandat dans la journée.
C'est surtout dans la capitale que se dénouent ces transactions express. Reste que les acquéreurs se montrent toujours sélectifs et que le marché fait bien la différence entre le prix d'un premier étage sur cour et celui d'un cinquième étage lumineux. Ce qui est rassurant. Laurent Vimont, président de Century 21 prévient toutefois : « Le marché restera dynamique si les vendeurs gardent raison et n'anticipent pas de hausse des prix virtuelle. »
Pour les professionnels de l'immobilier, le marché du logement est donc sain. Aussi bien dans le neuf que dans l'ancien. Il faut dire que la pierre bénéficie de ce qu'il est convenu d'appeler un alignement des planètes. Les acheteurs ont été ressolvabilisés par la formidable baisse des taux d'intérêt et, pour les primo-accédants, par la refonte du prêt à taux zéro (PTZ). Les dispositifs gouvernementaux qui ont été réaménagés ces dernières années l'ont été dans le bon sens et ils sont désormais efficaces, qu'il s'agisse du PTZ ou encore du mécanisme Pinel qui encourage l'investissement locatif.Les ventes des promoteurs ont bondi de 22,7 % au deuxième semestre (71?000 ventes).
Pour pouvoir répondre à la demande, Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), espère d'ailleurs un nouveau durcissement des actions contre les recours abusifs. « Trente mille logements sont actuellement bloqués par des recours », explique-t-elle. Cette hausse des transactions aura-t-elle un effet sur les prix?? Les avis sont partagés mais, pour l'instant, globalement, les promoteurs estiment que les prix dans le neuf sont stables, même s'il peut y avoir des écarts localement. « Le marché reste très concurrentiel, souligne François Bertière, président-directeur général de Bouygues immobilier, qui table sur la vente par la profession de 120?000 logements cette année. Dans l'ancien, « il n'y a aucun signe de marché spéculatif » estime, quant à lui, Jean-François Buet, président de la Fnaim. Et 78 % des professionnels de l'immobilier sont optimistes pour le logement sur les 12 prochains mois selon le baromètre Crédit Foncier/CSA.
Source : Le Figaro Magazine, no. 22432 SPÉCIAL - IMMOBILIER, vendredi 23 septembre 2016