Campé à l’entrée de Megève, en Haute-Savoie, le Grand Soleil d’Or a été le témoin de la “glorification du ski” et du vent mondain insufflé par la comtesse Rothschild. Après une cure de jouvence, l’hôtel centenaire a célébré son magnifique anniversaire lors d’une soirée Gatsby.
Le vendredi 3 décembre 2021, sous une fine pluie de neige, des élégantes frissonnent dans des petites robes à sequins et paillettes. Pour prévenir une chute sur les pavés de Megève, elles s’accrochent aux bras de mirliflors aux visages barrés de belles bacchantes gominées.
Une automobile vient de les dépasser, elle glisse vers la sortie de la station, en direction du majestueux Grand Soleil d’Or.
L’illusion est parfaite
L’établissement a revêtu ses plus beaux atours, et est du plus bel effet, pour recevoir ses invités à une grande soirée Gatsby. Un événement très à la mode couru par toutes les flambantes et leurs galants, synonyme de frivolité, abondance et mets délicats.
L’illusion est parfaite. Les coupes débordent de fruits exotiques, le champagne coule à flots sur la pyramide de flûtes. Des buffets somptueux regorgent de truite en gelée et bouchées galantine. Rangées de perles nacrées et éventail de plumes relèvent, par petites touches discrètes sur les guéridons, le bel ensemble.
Les magiciennes Thérèse Bley et Marie-Christine Mecoen, respectivement directrice générale et décoratrice du groupe Millésime, ont donné, le temps d’une soirée, la patine 1900 aux murs d’un des plus anciens hôtels de Megève, pour célébrer de belle manière les 120 hivers de l’établissement. Et fêter la renaissance de la bâtisse depuis la reprise en main par le groupe, il y a un peu plus de deux ans.
Le Grand Soleil d’Or n’était alors plus qu’un bloc massif un peu grisâtre, qui servit longtemps au logement des saisonniers. Loin de l’auberge au ventre chaud décrite avec force détails par Mathilde Maige Lefournier dans un article paru dans La Montagne , la revue mensuelle du Club alpin français dans son édition de novembre 1913, sous le titre “Megève ou la glorification du ski”. Un temps où il fallait bien un poêle qui « rougit d’aise » et « un chauffage qui, à défaut d’être central, est de milieu » après être sorti gelé « du petit train cahotant qui va, cahin caha, entre Albertville et Annecy » et une course dans le traîneau du courrier.
C’est un hôtel nu et froid que Marie-Christine Mecoen investit en 2019. Pas question de tricoter une histoire ; la décoratrice est sans concession. Le bois, par exemple, n’aura pas sa préférence ; car c’est la famille Rothschild qui en fait sa marque de fabrique quand elle investit la station, début des années 20 ; Marie-Christine Mecoen doit alors traquer des indices du passé pour dérouler le fil. Un rare cliché du Grand Soleil d’Or fait état d’une blanchisserie ; les lieux doivent renouer avec l’esprit familial qui régnait ici, décide-t-elle.
Sous la moquette, elle découvre un morceau de lambris d’époque ; il lui servira de fil conducteur pour penser la décoration du rez-de-chaussée. Entre des colonnes discrètes qui rappellent le passé celte de la station, des vitrines accueillent des carnets de voyage.
Et parce que le ski est associé dans son esprit à une grosse tasse de chocolat fumante, la décoratrice a imaginé une chocolaterie habillée d’un meuble de pharmacie qu’elle avait chiné, et aux murs, des tons gourmands de lait, de cacao et de caramel avec des feuilles d’or pour rappeler le papier doré qui emballe le chocolat.
En guise de clin d’œil à cette ville-étape où, de tout temps, on s’arrêtait pour manger, un garde à manger trône près d’une table de la Samaritaine et d’une riche collection d’argenterie.
Megeva, la ville au milieu des eaux
Au salon, c’est l’aviation de montagne qui est célébrée, avec des sièges en rotin et des rideaux de la toile des vestes des aviateurs. Au roof-top, enfin, une réplique de la fontaine du village s’attachera à rappeler le passé thermal de Megève, du temps où elle s’appelait Megeva, la ville au milieu des eaux. Dehors, deux sapins majestueux encadrent l’entrée, comme le temps où la montagne venait jusqu’aux portes de l’hôtel.
« Ma seule obsession était que l’hôtel plaise aux Mégevans, qu’il reprenne vie en parfaite adéquation avec son histoire et son environnement ». De quoi remettre en piste une centenaire et de l’entraîner dans un nouveau tourbillon. Une cure de jouvence qui méritait bien une fête et une pluie de paillettes !
Source : Le Dauphiné
Date de mise à jour : 06/11/24
Date de création : 06/01/22